Face aux crises du logement, à l’isolement des seniors et à la précarité étudiante, une solution émerge depuis quelques années : le coliving intergénérationnel. À mi-chemin entre la colocation solidaire et la vie en communauté, il rassemble des personnes de différentes générations sous le même toit. Mais vivre ensemble malgré les différences d’âge est-il si simple ? Quels en sont les véritables bénéfices… et les limites ?
Un concept en plein essor
En France, le vieillissement de la population est une réalité : selon l’INSEE, une personne sur trois aura plus de 60 ans en 2040. Parallèlement, plus de 70 % des étudiants déclarent avoir du mal à se loger dans les grandes villes (source : Observatoire national de la vie étudiante, 2024).
C’est dans ce contexte que le coliving intergénérationnel s’impose comme une solution gagnant-gagnant.
Le principe ? Une personne âgée propose une chambre chez elle, ou partage un logement commun, avec une personne plus jeune, généralement un étudiant ou un jeune actif. En échange d’un loyer modéré (ou parfois gratuit), le jeune offre sa présence, de petits services, et surtout, du lien humain.
« Ce n’est pas seulement une solution de logement, c’est une aventure humaine », témoigne Martine, 67 ans, qui héberge depuis deux ans Chloé, 23 ans, étudiante en droit à Toulouse.
Les avantages du coliving intergénérationnel
▪️ Rompre l’isolement des seniors
Selon la Fondation de France, plus de 4 millions de Français souffrent d’isolement, dont une grande partie sont des personnes âgées. Le coliving permet de recréer un tissu social de proximité.
« Le soir, on dîne ensemble. Ça me change la vie. Je me sens utile à nouveau », confie Jean, 74 ans, qui vit en coliving à Nantes avec deux jeunes travailleurs sociaux.
▪️ Un logement accessible pour les jeunes
Avec des loyers parfois divisés par deux, voire offerts en échange d’une aide quotidienne, le coliving intergénérationnel permet aux jeunes de se loger dignement tout en réduisant la précarité.
Exemple : l’association Ensemble2Générations a permis en 2024 à plus de 5 000 étudiants de se loger chez des seniors, dans 20 villes françaises.
▪️ Une transmission mutuelle
C’est aussi un lieu d’échange de compétences : aide informatique, soutien scolaire, recettes de cuisine, jardinage… les générations s’enrichissent mutuellement.
« J’ai appris à faire une tarte Tatin et lui, il m’a appris à utiliser Instagram », plaisante Amandine, 22 ans, en coliving à Lyon.
Les défis à relever
▪️ Les différences de rythme de vie
Les habitudes peuvent varier grandement : bruit, horaires, sommeil, visites… Il est crucial d’établir des règles claires dès le départ pour éviter les tensions.
▪️ Le risque d’infantilisation
Certains jeunes peuvent se sentir « surveillés », tandis que certains seniors peuvent être tentés d’adopter une posture parentale. La cohabitation demande un équilibre de respect et d’autonomie.
▪️ L’encadrement nécessaire
Le succès du coliving intergénérationnel repose souvent sur un tiers de confiance, comme une association ou une résidence spécialisée, pour faciliter la mise en relation, établir un contrat, et gérer les conflits éventuels.
Zoom sur les initiatives en France
▪️ Ensemble2Générations : pionnière dans le domaine, cette association propose trois formules selon le niveau d’engagement mutuel souhaité.
▪️ Colibree : une plateforme de mise en relation qui allie technologie et accompagnement humain.
▪️ Résidences intergénérationnelles à Lille, Lyon ou Paris : des lieux pensés pour accueillir plusieurs tranches d’âge avec des espaces partagés et des services sur mesure.
Et demain ?
Le gouvernement commence à s’intéresser de près au sujet. En 2024, le rapport « Habitat et lien social » remis au Ministère du Logement recommande un soutien accru au logement intergénérationnel, notamment via des subventions locales.
De plus en plus de collectivités intègrent le coliving intergénérationnel dans leurs politiques publiques, y voyant un outil pour revitaliser les centres-villes et favoriser la mixité sociale.
Une solution humaine avant tout
Le coliving intergénérationnel n’est pas une mode passagère, mais un véritable projet de société. Il répond à des besoins concrets, tout en offrant une réponse douce et solidaire à des enjeux majeurs : isolement, crise du logement, fractures générationnelles.
Mais pour qu’il tienne ses promesses, il doit être bien encadré, préparé et choisi en pleine conscience des implications humaines qu’il suppose.
